Chapitre 8
Tom passa sa main sur la surface de l'eau, qui vibrait sous le mouvement de ses doigts, s'agitait quand il y enfonçait son poing. Il tapota légèrement le liquide d'un blanc légèrement trouble, à cause du savon qu'il y avait ajouté. S'armant d'un gant, le guitariste gonfla sa poitrine en observant son reflet dans le miroir. Un sourire s'empara de lui quand il constata que les abdominaux qu'il faisait tous les soirs commençaient à porter leurs fruits, ébauchant de légères tablettes de chocolat sur son ventre.
Le gant humide et chaud se posa sur sa peau dénudée, alors qu'il traçait de petits cercles concentriques qui traînaient derrière eux une mousse blanche et rafraîchissante.
Il avait passé une nuit merveilleuse. Cette fois, il avait réussit à ramener une jeune fille dans sa chambre sans avoir recours à l'alcool. Son apparente timidité s'était volatilisée grâce à l'assurance dont faisait preuve sa partenaire d'un soir.
Certes, ce n'était pas sérieux. Il aurait vite oublié cette fan un peu naïve, mais il ne pouvait pas nier que sa soirée avait été très plaisante, qu'il en garderait de bons souvenirs.
Il craignait juste que la presse réussisse à obtenir cette information, qu'elle fasse le tour du monde, et que cette pauvre innocente soit harcelée par les groupies. Mais au fond, c'était elle qui l'avait provoqué. Il n'avait aucune raison de s'en vouloir. Pas comme toutes les autres qui avaient précédé...
Et puis, ça ne ferait que renforcer l'image de lover qu'il véhiculait à chaque déplacement.
Tom esquissa un sourire ravi, puis il plongea le gant dans l'eau. Des bulles remontèrent à la surface, tandis qu'il fixait sa main se perdant dans l'eau blanchâtre. Sa peau parcourue de frissons se hérissa légèrement...
Il boirait moins souvent ! Pour une fois, il n'avait ni trou de mémoire, ni gueule de bois, ni mal aux cheveux. Seule subsistait cette impression d'avoir profité de la moindre seconde, de chaque geste, chaque caresse, chaque baiser.
Tom ressortit sa main de l'eau, alors qu'un petit grésillement coupait le silence et sa solitude.
Le blond fronça les sourcils, puis se regarda dans le miroir. Ses dreads tombaient sauvagement sur ses épaules frêles, encadrant son visage d'habitude si souriant.
Une petite voix perça le grésillement, accompagnée d'un petit rire.
« Alors Tom, tu t'es bien amusé cette nuit ?
-Oh, Joanna, je... »
Il se retourna en croyant parler à cette jeune fille avec laquelle il avait partagé sa nuit. Mais la porte derrière lui était toujours close. Il s'étonnait lui-même de se souvenir de son prénom. D'habitude, elles plongeaient dans l'anonymat avant qu'il ne s'endorme...
« Ah ! moi ce n'est pas Joanna ! »
Tom fit un tour sur lui-même, puis se rendit compte que le miroir faisait des siennes, et se troublait en prenant la couleur de son eau.
...
Il croyait avoir déjà vu ça quelque part ! Plissant le front d'un air sceptique, il s'approcha de l'objet pendu au-dessus du lavabo, et tenta de se rappeler ce qui c'était passé la dernière fois que ce phénomène s'était produit sous ses yeux.
Il lui fallu remonter près de trois semaines en arrière pour se souvenir du ton de cette petite voix !
« T'es revenue toi ?
- Oui !
-Tu viens me prédire quoi ? Que je vais me fracasser le crâne sur le bord de la baignoire ?
-Pas tout à fait ! »
L'ébauche du visage d'une jeune fille apparut dans le miroir. Elle était pareille que la dernière fois ! Deux yeux vert pâle en forme d'amande, un long nez fin, des traits si délicats qu'ils semblaient crayonnés sur une feuille de papier.
« Tu ne peux pas passer à un autre moment que quand je me lave ?
- J'avais juste envie de te voir comme ça !
-C'est ça. Je suis pris de toute façon !
-N'importe quoi. Demain ton petit coup d'un soir, tu l'auras oublié !
-Même pas vrai !
-Je te parie que si...
-Et puis de quel droit tu t'introduis chez moi ?
-Parce que j'en ai envie !
-Tu fais ça avec beaucoup de gens ?
-Oui... Attention Tom, ne laisse pas ta serviette de bain à terre, tu risquerais de trébucher dessus ! »
Le guitariste haussa les épaules en dessinant sur son visage une moue dédaigneuse. Pour qui se prenait-elle à jouer le rôle de sa mère ? De quoi je me mêle ?
« Tu peux partir ?
-... Si on me le demande gentiment, ça peut se négocier !
-Hum... J'aimerais que tu dégages, car j'étais juste en train de faire ma toilette en toute intimité, et tu me gênes légèrement !
-Tu ne changeras pas, toi !
-Quoi ?
-Tu as toujours autant de politesse et de tact !
-Je sais ! »
Le guitariste tira la langue au miroir, puis il recula de quelques pas. Son pied glissa sur son linge, qui traînait au sol. Il perdit l'équilibre et se retrouva assis au milieu de la pièce, un peu étonné de cette chute légèrement inattendue !
« Je te l'avais dis Tom !
-Gnagnagna... Fais ta petite madame-je-sais-tout qui prévoit tout !
-Tu es vraiment arrogant !
-Et toi tu m'énerves !
-Ce n'est pas forcément le but !
-Casse-toi !
-Hum... tu ne sais pas ce que tu rates ! »
La petite voix s'estompa, le blanc crémeux du miroir laissa place à l'image nette de la douche. Mais Tom resta au sol encore quelques secondes.
Qui était-elle pour oser s'introduire dans sa vie privée ? Il soupira longuement, regarda son pied.
Cette fille était vraiment étrange. A croire qu'elle prédisait les malheurs rien qu'en l'avertissant des dangers qui le menaçaient. D'abord, cette coupure de verre, ensuite, cette chute. Prédiction ou plutôt provocation, la marge est minime, mais bien réelle..... A croire qu'elle manipulait les objets environnants pour qu'il se blesse. Pourquoi ? Quel intérêt aurait-elle à susciter des catastrophes ?
Va-t-elle me faire chanter pour que cela cesse ? Se relevant non sans une grimace de douleur, il passa sa main sur son coccyx douloureux, la deuxième tenant fermement le rebord du lavabo. Redressant la tête, il observa songeusement son reflet.
Mais voila, c'est ça, je lui plais, elle veut coucher avec moi et maintenant qu'elle m'a prédit deux malheurs, elle va me menacer de tous les maux de la terre si je ne passe pas une nuit avec elle ou pire plusieurs..... Après tout elle est pas si mal, ses yeux sont envoûtants..... Non mais ça va pas la tête, je ne vais pas succomber, c'est la fille qui succombe, moi je profite et surtout je choisis. Il ferait beau voir que je devienne un mec facile !
Désormais, il en était sûr. Ces visions étaient bien réelles, mais bien peu rassurantes. A vrai dire, il avait déjà appris à haïr cette fille pas comme les autres...
Et il entendait bien ne pas concéder d'amour ou d'amitié avec elle !
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